Fracture faciale très fréquente, presque « périphérique », mais qui peut être associée aux autres fractures de la face. La fracture des os propres du nez (OPN) a généralement un traitement conservateur mais nécessite parfois une réduction dans les fractures très déplacées. Les urgences vraies associées sont rares mais la demande de prise en charge urgente est souvent forte notamment du fait des conséquences esthétiques mais aussi de l’implication médico-légale.
Les OPN sont deux petits os plats latéraux formant le squelette osseux du nez de la base du nez. Celui-ci comporte une grande partie cartilagineuse formée par la cloison nasale et les cartilages triangulaires prolongeant l’aile du nez et les cartilages alaires à la pointe. La cloison nasale est relayée par une cloison osseuse, formée par la lame criblée de l’éthmoïde et plus en arrière le vomer articulé avec le sphénoïde.
Les OPN sont articulés entre eux sur la ligne médiane, en en haut et en arrière avec l’os frontal, en bas et en avant avec les cartilages du nez, latéralement avec le maxillaire et en arrière avec l’ethmoïde.
La fracture d’un ou des 2 OPN peut entraîner des déplacements dans le sens antéro-postérieur avec affaissement du nez, et dans le sens horizontal avec déviation vers la droite ou la gauche. La fracture peut atteindre la cloison nasale avec déviation de celle-ci, ce qui renforce le côté inesthétique mais aussi engendre une gêne fonctionnelle pour la respiration nasale. L’hématome de cloison nasale est rare mais représente une urgence thérapeutique car sa négligence risque de détruire la cloison et compromettre une réparation future.
Le diagnostic positif est assez facile puisqu’il se base sur une anamnèse rapportant un choc direct sur la pyramide nasale, lié à une chute, ou à un coup reçu au visage :
Le diagnostic différentiel peut éventuellement se poser en cas d’oedème important du visage (patient sous anticoagulants) avec d’autres fractures du massif facial auxquelles elle peut être associée.
L’évaluation précise d’une fracture de la pyramide nasale est parfois une demande forte dans le contexte médico-légal (agression mais aussi vis à vis des assurances), et en dehors d’une déformation importante, il est souvent difficile de répondre clairement en urgence.
Les incidences utilisent généralement une Face de profil centrée sur la pyramide nasale et une incidence de face, tête penchée en arrière, pour évaluer la cloison nasale qui est l’incidence de Gosserez. On confond facilement avec l’incidence de Blondeau Waters qui lui ressemble beaucoup mais qui évalue plutôt les sinus (incidence nez-menton-plaque). À l’image des radiographies pour entorse de cheville ou de genou, on peut se demander s’il n’est pas nécessaire d’appliquer des guidelines précis pour la réalisation de ces clichés, puisque pour une fracture qu’on suspecte cliniquement d’être non déplacée, il n’y aura pas de traitement spécifique, mais dans le contexte médico-légal il apparait particulièrement difficile de ne pas les réaliser.
Si toutes les fractures du massif facial passent au scanner, finalement relativement peu de fractures des OPN en bénéficieront, en tous cas en première intention, mais à mon sens je ne crois pas que les ORL ou plasticiens en demandent beaucoup pour une rhinoplastie différée. Exception faite des fractures associées, ou du complexe naso-éthmoïdo-frontal. Néanmoins dans les grands déplacements et les fractures bilatérales avec enfoncement, il est logique de demander un scanner facial pour être précis avant la réduction.
Pour l’instant il n’est pas classique d’utiliser un autre système d’imagerie pour les fractures des OPN, mais rien n’est interdit. L’IRM, difficile à obtenir, et plus coûteuse ne va pas plus renseigner que le scanner. Il faudrait imaginer une fracture stable, non déplacée et non visible en radiographie/scanner (à l’image des fractures occultes) pour qu’une IRM se justifie sur un bilan de douleur nasale chronique persistante, mais je vois mal une solution thérapeutique autre que de ne rien faire.
Certainement plus utile, l’échographie avec sonde haute fréquence peut visualiser facilement une solution de continuité quand on est pas sûr du trait de fracture en radiographie et qu’il existe un petit hématome en regard. Elle pourrait même être utile en per-opératoire pour le contrôle du réalignement de la réduction de la fracture.
Les 2 situations qui nécessitent un geste thérapeutique urgent sont l’épistaxis non contrôlée et les plaies de la pyramide nasale qui créent ainsi une fracture ouverte. Il est cependant rare de devoir mécher une fracture simple des OPN (chez un patient sans anticoagulants). Ensuite ce qui nécessite d’être pris en charge chirurgicalement rapidement, c’est la fracture avec effondrement total de la pyramide nasale, et l’hématome de la cloison nasale. La déviation latérale est une urgence « esthétique » mais pas au plan thérapeutique, la demande étant souvent insistante, suivant les cas (patiente jeune, implication professionnelle de représentation) on peut faire traiter ces fractures précocement.
La plupart des autres situations seront évaluées à moins d’une semaine, en consultation ORL, pour poser les indications opératoires après fonte de l’oedème. Les chirurgiens conseillent la mise sous traitement anti-inflammatoire non stéroïdien dans cette optique, ça se discute au cas par cas évidemment, il n’y a pas de réelle preuve de l’efficacité des AINS. Des médicaments au nom poétique comme l’Extranase® avaient aussi ce genre d’indications, ils ont été depuis abandonnés.
Pas de grande particularité par rapport à une épistaxis antérieur, bien que le saignement vienne de plus haut et donc le tamponnement ne doit plus viser la tâche vasculaire mais remonter jusqu’aux OPN. Une mèche hémostatique type Surgicel peut suffire. Les épistaxis hyper abondantes ou quand l’origine du saignement n’est pas évidente peuvent être tamponnées par sonde double ballonnet mais avec réévaluation très précoce.
Si l’hématome est très apparent, affleurant la narine, il peut être fait en salle d’urgence. Le drainage se fait chez un patient en position assise, avec anesthésie locale par pulvérisation de lidocaïne spray 5%. On peut soit ponctionner à la seringue l’hématome soit réaliser une petite incision de 2 mm au bistouri en pleine zone collectée, permettant ainsi l’évacuation de l’hématome. On procède à un rinçage des fosses nasales au sérum physiologique et on demande au patient de comprimer aux doigts l’appendice nasal pendant 20 min. L’hématome peut se recollecter, nécessitant des ponctions itératives. Un méchage est alors nécessaire pour réaliser un tamponnement évitant sa reconstitution.
Il peut être réalisé sous fibroscopie sous anesthésie topique et locorégionale, si l’hématome est plus profond et peu accessible.
Pour les petites plaies simples, la suture sous anesthésie locale par infiltration suffit avec un fil fin type 5/0 non résorbable, qui sera retiré en moins de 7 jours, une colle biologique ou la pose de stéri-strips. Les plaies un peu plus profondes doivent être suturées pour réaliser une barrière à ce qui constitue quand même une fracture ouverte. Les plaies délabrantes doivent être prises en charge en urgence au bloc opératoire.
Une antibioprophylaxie par amoxicilline-acide clavulanique est conseillée pour quelques jours et le statut vaccinal antitétanique est vérifié. En cas d’allergie à la pénicilline, il n’y a pas de recommandations particulières, si on superpose à la prise en charge des fractures ouvertes, on conseille l’association clindamycine + gentamicine (ce qui est difficile à appliquer en ambulatoire).
Au mieux réalisée sous courte anesthésie générale et donc pouvant se faire en ambulatoire (l’anesthésie locale par pulvérisation étant très incomplète et celle par infiltration étant douloureuse et redéformant les reliefs); en utilisant un instrument par voie endonasale et en appliquant une manoeuvre externe de réduction jusqu’à aspect externe satisfaisant. Dans la plupart des cas, un plâtre moulé sur l’arête nasale sera appliqué, ou une attelle thermoformable pour aider à la consolidation pendant 1 semaine.
Je vous préviens tout de suite .. on voit sur YouTube quelques vidéos de réduction manuelle sans anesthésie, « sur le champ de bataille » avec des crayons dans le nez. Je déconseille à quiconque de tenter ça, à moins qu’il ne soit perdu au pôle nord et sans possibilité d’évacuation avant des jours, et encore je lui conseillerais de ne pas trop y toucher et de mettre de la glace en attendant (ce qui ne devrait pas être trop difficile à trouver).
Le temps idéal pour la réduction est après 3 à 5 jours, quand l’oedème a commencé à se résorber, permettant une meilleure appréciation des reliefs. Au-delà de 12 jours, la fracture a déjà commencé à consolider et il est difficile de procéder à la réduction à foyer fermé.
Dans certains cas, une petite incision peut être réalisée dans la narine pour avoir accès au cartilage et drainer l’hématome de cloison.
Les grosses fractures nécessitent quand c’est possible une ostéosynthèse par mini-plaques vissées, parfois une reconstruction avec greffon osseux.
La correction secondaire d’une fracture négligée, mal réduite ou mal consolidée va faire appel aux interventions esthétiques de rhinoplastie et septoplastie. Elles sortent évidemment du cadre de description des urgences.
Nasal bone fracture , Radiopaedia
Nasal Fracture ,Nasal Fracture Reduction , Nasal Fracture Imaging , Nasal Septal Hematoma Drainage , Medscape
Nasal fracture , AO Surgery Reference
Management of nasal fractures , AAFP
Still no oil painting , Resus.me
Comparison of high-resolution ultrasonography and computed tomography in the diagnosis of nasal fracture , AIUM Ultrasound
Comparison of ultrasonography with computed tomography in the diagnosis of nasal bone fractures
Pubmed search images for nasal bone fractures
External Fixation of Unstable, “Flail” Nasal Fractures
Réduction de fracture des OPN
Correction d’une déviation du septum et réduction des OPN
Drainage d’un hématome de la cloison nasale