(mis à jour le 22/09/2011)
Les plaies de la main sont un vaste pan de la traumatologie, à tel point que l’orthopédie s’est spécialisée en chirurgie de la main pour répondre aux mutilations de la main, avec au final le développement de la chirurgie de réimplantation.
Les mécanismes et agents vulnérants sont très nombreux, et on excluera d’emblée les traumatismes à très forte cinétique, les lésions de broiement ou les mutilations dans le cadre de polytraumatismes.
Nous évoqeruons ici la plaie de la main, face palmaire, motif fréquent de consultation en urgence. Le blessé arrive, souvent la main entourée d’un chiffon plus ou moins imprégné, et l’objectif est d’évaluer les possibilités de traitement.
L’accident classique du couteau qui dérape (couteau de cuisine, couteau à huître, boîte de conserve, verre qui se brise …), mais aussi de plaies par arme blanche rentrant dans le cadre d’agressions. Les plaies punctiformes pénétrantes comme la pénétration d’un clou par exemple, occasionne moins de lésions d’éléments nobles, mais sont souvent septiques et impossibles à désinfecter parfaitement.
La première attitude est de sécuriser la main, et d’évaluer une atteinte gravissime ou pas. Il ne s’agit pas d’amputation traumatique nécessitant une réimplantation, mais rien qu’une plaie par coup de couteau peut entailler largement l’arcade artérielle palmaire et entrainer une hémorragie extériorisée et un risque ischémique secondaire. Le diagnostic est facile quand l’artère sectionnée donne un flot de sang par la plaie, il est moins évident quand l’artère s’est collabée, il n’y a plus alors d’hémorragie. Mais la présence d’un gros hématome qui bouche la plaie, et surtout des doigts blancs ischémiés, ou au minimum un temps de recoloration capillaire allongé aux pulpes, doivent faire évoquer cette ischémie.
La conduite à tenir est simple : le bloc opératoire aussitôt un bilan préopératoire (biologique surtout, les patients étant jeunes la plupart du temps, on a pas besoin d’ECG ni de radiographie de thorax). On pourrait s’aider d’une radiographie de la main, mais l’opération peut utiliser ponctuellement l’aide d’un amplificateur de brillance si on craint la présence de corps étrangers, tous ne sont pas radio-opaques de toutes façons.
La réparation vasculaire se fait au minimum à la loupe chirurgicale, ou au microscope.
Devant une main encore normalement irriguée mais avec une plaie importante, le testing à la recherche de déficits neurologiques par lésion nerveuse n’est pas évident. La douleur, la gêne occasionnée par la plaie rendent l’examen sommaire. On peut rechercher quand même un trouble de la sensibilité des pulpes des doigts.
Dans la paume de la main on trouve le nerf médian après sa sortie du canal carpien et il va se diviser en nerfs collatéraux digitaux, rappelons qu’il y a 2 nerfs collatéraux par doigt, et que le nerf médian donne les nerfs digitaux pour les faces externe/interne du pouce, de l’index, du majeur et seulement externe de l’annulaire. La face interne de l’annulaire et les faces interne/externe de l’auriculaire dépendent du nerf cubital ou ulnaire, qui est plus latéralisé au bords interne dans la paume. (Anatomiquement à la main tout ce qui est «interne» est au bords cubital, «externe» au bords radial). La paume en elle-même est innervée de façon sensitive par les 2 nerfs : les 2/3 externe par le médian, le 1/3 interne par le cubital.
Devant un déficit sensitif, la section nerveuse est fortement présumée, et c’est l’exploration au bloc opératoire qui la confirmera. La reconstruction n’est pas toujours possible s’il y a une perte de substance trop importante ou si les deux extrémités du nerf sont trop contuses.
Certaines plaies avec sections nerveuses discrètes passant inaperçues, ce n’est que tardivement qu’on se rend compte de la persistance d’un trouble sensitif séquellaire d’une section de nerf, la reconstruction est assez difficile.
3ème structure pouvant être lésée dans la paume, les tendons fléchisseurs. Les tendons du fléchisseur superficiel sont au-dessus du fléchisseur profond, que ce soit dans la paume ou dans le canal digital. Un déficit de flexion doit être recherché, si nécessaire après anesthésie locale dans la plaie, ou bloc du nerf médian +/- cubital au poignet.
Le fléchisseur superficiel contrôle la flexion de la 2ème phalange sur la 1ère (puisque l’extrémité du tendon se sépare en 2 bandelettes s’insérant sur les faces latérales de P2).
Le fléchisseur profond contrôle la flexion de la 3ème phalange sur la 2de (l’extrémité s’insérant sur la base palmaire de la dernière phalange), on le teste en bloquant la 2ème phalange pour éviter une compensation d’un déficit de flexion, par l’action du fléchisseur superficiel.
La flexion de la 1ère phalange sur le métacarpien est sous la dépendance des muscles interosseux de la main, mais le déficit de cette flexion est plus difficile à analyser cliniquement. Les interosseux servent aussi aux mouvements d’écartement et rapprochement des doigts.
Les sections tendineuses peuvent atteindre plusieurs tendons, et le superficiel et le profond en même temps. De même qu’une section complète du superficiel peut s’accompagner d’une plaie partielle du profond. Il est impossible en préopératoire d’avoir tout le diagnostic lésionnel tendineux, mais ce n’est pas grave, puisque l’objectif est de faire devant une plaie d’allure bénigne un testing le plus complet possible pour s’assurer qu’il n’y a pas de plaie profonde. Dès qu’il y a une lésion et même au moindre doute, l’exploration doit se faire au bloc opératoire.
La paume correspond à la zone III dans la classification de Verdan et Michon (la zone IV est le canal carpien, la zone II l’entrée dans le canal digital).
Les plaies musculaires des petits muscles de la loge palmaire (éminence thénar et hypothénar) s’accompagnent souvent d’autres lésions, aussi on ne fait jamais de point profond musculaire dans une suture en urgence.
Que ce soit par plaies par coup de taille (plaie longue mais peu profonde) ou par coup d’estoc (plaie étroite mais pénétrante), dès que la peau palmaire, qui est pourtant épaisse est blessée, le risque de lésion sous-jacente est possible. L’utilisation de petit écarteur de plaie n’est pas aisé, aussi pour visualiser correctement, il faut toujours agrandir la plaie par des incisions en Z par exemple. Ceci et la nécessité de récliner fortement les lambeaux ainsi créés, pour bien voir le fonds de la plaie, un temps d’ischémie contrôlé par utilisation de garrot pneumatique, une anesthésie bien dosée, fait que devant toute plaie suspecte, il vaut mieux s’abstenir d’explorer aux urgences et d’organiser le bloc directement.
A noter que si le patient est sous anticoagulants, même sans surdosage, une plaie palmaire peut être un cauchemar technique à prendre en charge en salle d’urgence.
Une attitude de prudence actuelle est de mise, devant des accidents domestiques comme des accidents du travail, car toute sous-évaluation de plaie conduira à une séquelle longue à traiter avec un handicap fonctionnel.
Il n’y a donc pas de plaie simple de la main, même quand la plaie est linéaire et courte, elle peut toujours avoir entraîné une lésion sous-jacente.
Le risque infectieux vis à vis des germes pyogènes fera recourir à une antibioprophylaxie le temps de l’opération le plus souvent. La vaccination anti-tétanique doit être à jour.
Toute réparation d’élément noble impose une immobilisation plâtrée pour mettre la main au repos le temps de la cicatrisation (attelle plâtrée en flexion pour des plaies de fléchisseurs, en extension pour les plaies d’extenseurs). A distance, la rééducation est nécessaire.
Quand on est certain qu’il n’existe aucune blessure vasculaire, nerveuse ou tendineuse, la suture peut se faire sous simple anesthésie locale dans la plaie. Finalement ce type de plaie n’ayant rien de spécifique par rapport à n’importe quelle plaie cutanée, elle peut être fermée avec du fil non résorbable 4/0. Ce sont des points séparés classiques, jamais de point sous-cutané profond à cause des risques d’adhérences.
Cependant cette éventualité est très rare car dans le mécanisme pathologique, sidans les plaies de la face palmaire des doigts on peut voir le couteau glisser et finir sa course de façon tangentielle au doigt, quand c’est seulement la paume qui est entaillée, on s’attend plutôt à ce que l’arme ait fini sa course dans la profondeur de la paume.
En conclusion :